Plus de huit ans après leur dernier album, les Libertines prouvent avec ce nouvel opus qu’il n’y a décidément rien à jeter dans leur discographie. Du rock brut, des refrains fédérateurs, et un lot de ballades et morceaux mélancoliques qui confirment la fragilité, mais aussi la sincérité du duo Barât/Doherty.
Les Libertines, plus aussi rock qu’avant ?
En 2024, on a affaire à pas mal de paradoxes, notamment celui des quadras/quinquas qui veulent que leurs idoles d’il y a 20 ans continuent d’exister comme au bon vieux temps. Au risque de leur reprocher de faire toujours pareil, mais avec le même reproche de faire quelque chose de nouveau et différent ! Je les vois venir, les commentaires : « Les Libertines ne sont plus aussi rock’n’roll qu’avant« , « il n’y a plus la petite étincelle« . Eh ouais les gars, peut-être aussi parce que vous non plus vous n’avez plus cette petite étincelle de naïveté qui vous faisait voyager il y 20 ans ! Eh oui, les Libertines sont peut-être trop mous sur scène, trop conventionnels sur disque désormais, mais peu de groupes peuvent se targuer d’avoir une aussi bonne discographie, a fortiori dans un parcours aussi chaotique.
Donc bien malhabile serait l’auditeur tenté de comparer All Quiet On The Eastern Esplanade à Up The Bracket ! Plus de vingt ans séparent ces deux albums, avec un donc un parcours (et lequel !) entre les deux. Ce quatrième album repose sur des piliers qui sonnent comme des classiques intemporels, comme le single Run, Run, Run, I Have a Friend, Oh Shit ou Be Young, pour citer les morceaux les plus rock’n’roll.
On a ici la patte des Libertines, les duo de voix Barât/Doherty, les solos débraillés et imparfaits qui apportent leur touche d’authenticité. Mais aussi les passages rock/ska (comme sur Be Young) qui rappellent la passion que Carl Barât porte à The Clash. Les influences d’antan viennent aussi puiser dans le côté blues des Rolling Stones des 70’s sur Mustangs qui reprend aussi des codes musicaux typiques des Libertines comme l’alternance majeur/mineur sur le refrain. Et ça fonctionne super bien.
La complémentarité des voix, mais aussi des guitares est savamment travaillée. Ecoute en détail I Have A Friend : dans l’oreille droite, une guitare qui joue sur des micros simples (« single coil » pour les connaisseurs, sachant que Pete Doherty joue principalement sur Fender), donc plutôt sur des fréquences aiguës, à gauche sans doute sur des micros double (humbucker avec la Gibson de Carl Barat) qui apportent de la rondeur.
Des ballades poignantes et sincères
Pour rendre All Quiet On The Eastern Esplanade encore plus intéressant, les Libertines ont choisi de le compléter par un lot de morceaux calmes qui démontrent, si toutefois c’était nécessaire, la fragilité et la sincérité de ce duo mythique à la tête du quatuor. Surtout les morceaux chantés par Pete Doherty dont la voix se prête particulièrement bien à l’exercice. La ballade Shiver ainsi que Night of The Hunter annonçaient déjà la couleur il y a quelques mois, et si des morceaux comme Merry Old England se montrent finalement assez catchy, le tout dans des arrangements de cordes soignés, d’autres se veulent volontairement langoureux. Man With The Melody ressemblerait presque à un morceau de Blur. Baron’s Claw aurait pu figurer sur un album solo de Pete Doherty et ses incursions jazzy couplé à la production chaleureuse lui donnent autant de crédit que de plaisir qu’on a à l’écouter. Et c’est surtout d’une simplicité tellement évidente, et pourtant pas si facile. Les Arctic Monkeys s’y sont essayé, je n’ai personnellement pas adhéré.
On se délecte donc avec joie de ce combo retrouvé, de l’entente affichée entre Pete Doherty et Carl Barât sur un album vraiment complet, plaisant à écouter, et qui vient inscrire un peu plus les Libertines dans ce qui se fait de mieux en rock british.