Olivier Rocabois – The Afternoon of our Lives – Album gargantuesque de pop 60’s

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Olivier Rocabois - The Afternoon of Our Lives

Olivier Rocabois | The Afternoon of our Lives | Album | 31 mai 2024 (December Square // Kuroneko) 

Olivier Rocabois est peut-être le dandy français le plus british à l’heure actuelle. Après diverses pérégrinations en groupe, le breton d’origine se lançait en solo peu après le confinement. Un double single très sixties s’octroyant volontiers le territoire de Bowie période 70’s (Ship of Women), puis un album gargantuesque où toutes les extravagances semblaient possibles. Et pourtant, sa logorrhée autant musicale que verbale, nous laissait avec le sentiment d’un album parfaitement maîtrisé où l’on profitait goulûment de ce festin de pop 60’s. Que nous laissera-t-il ingurgiter en 2024 ?

Nous voilà en 2024 après un EP soigné (The Pleasure is Goldmine en 2022) et une campagne de financement participatif qui promettait : Au programme, une dizaine de titres : des fabliaux pop taillés pour la bande FM, une opérette de sept minutes, des collages, la douce amertume d’un milieu de vie, l’optimisme contrarié des enfants éternels. L’ombre d’un deuxième banquet planait donc, et nous voilà pleinement rassasié tant cette deuxième livraison tient les promesses annoncées.

Olivier Rocabois invite ses héros pop au banquet

Sans surprise, les héros du songwriting pop sont présents en filigrane : Paul McCartney, Brian Wilson, Ray Davies, Harry Nilsson. Olivier Rocabois parvient à réunir ses héros et nous en fait profiter dans son style à lui qui est désormais pleinement reconnaissable. Il a son identité, le bonhomme. 45 Trips Around the Sun aurait pu figurer sur le White album ou Sergent Pepper avec sa rythmique qui rappelle For the Benefit of Mr Kite sur les couplets. Ce titre est assez représentatif de ce que l’on peut retrouver sur l’album : des variations de rythme, des refrains accrocheurs, des envolées lyriques où le vibrato d’Olivier s’exprime pleinement, le tout enveloppé dans de jolis arrangements de cordes.

Il y a aussi un côté chaleureux dans la production, à l’image du titre inaugural et parfait single d’entrée en matière (Stained Glass Lena) qui a laissé des discussions de studio en intro, sur  From Hampstead Heath to St John’s Wood où on sent le vieux piano acoustique qui crépite, également dans les ambiances de All The Suns un peu plus loin dans l’album. L’album est teinté de petits détails psyché comme sur The Afternoon of our lives qui monte en puissance, avec le joli phaser psyché sur la guitare qui m’a rappelé It’s Not Meant to Be de Tame Impala sur ce génial premier album qu’est Innerspeaker.

De John Barry aux Bee Gees

Chez les Strokes, You Only Live One, chez John Barry et Nancy Sinatra (et donc Ian Fleming), You Only Live Twice. Olivier Rocabois aime la surenchère, et avec lui You Only Live Thrice qui va plutôt puiser une inspiration de Nino Ferrer (Le Sud). Surenchère dans le titre uniquement car il s’agit d’un des titres les plus dépouillés de l’album où piano et voix s’expriment au mieux, avec de légères cordes et synthés discrets, quelques cymbales. Mais finalement, le titre qui suit All Is Well When I Go My Merry Way n’est pas si loin de l’univers de John Barry dans son intro avant de lorgner vers la période disco des Bee Gees. Car oui, il ne faut pas oublier que les Bee Gees n’ont pas toujours sonné disco. Ils ont également sorti 12 albums entre 1965 et 1975, 12 albums aux harmonies vocales travaillées, au son parfois psyché. Donc finalement la filiation Rocabois/frères Gibb n’est sans doute pas tout à fait dénuée de sens.

Une pierre angulaire de 8 minutes

Au milieu de tout ça, on a souvent du mal à croire qu’Olivier Rocabois est français. Certes par son accent british qui ne laisse rien transparaître, mais aussi tant ses influences semblent innées. Cette montée sur Prologue / Trippin’ on Memory Lane sonne tellement Beatles (on pense à Because). Ecoutez bien à 0’36,  ce F# mineur suivi de son C# Majeur/basse de G# : magnifique, encore plus couplé aux géniales harmonies vocales ! Et ce n’est que le début de cette pierre angulaire de huit minutes qui nous fait passer par toutes les émotions, les ambiances, les rythmes, et qui n’aurait pas dénoté sur Revolver, alors que les sitars invitent plutôt George Harrison. On pense aussi à la montée de A Day In The Life, aux sonnettes de vélo de Brian Wilson sur Pet Sounds. Bref, un joyeux bordel où les lignes ne sont plus droites, où les repères ne sont plus. On sort groggy, transi de ce morceau aussi réjouissant que fou ! L’orgue qui suit sur Merrymakers ne nous aide pas directement à savoir si nous sommes dans une vie parallèle ou bien sur la Terre !

La fin de l’album semble même un peu avoir du mal à se remettre d’une telle « face A ». L’acoustique y laisse une grande place, parfois dans des versions presque démo comme Over The Moon, un très beau titre connu de ses prestations live et que j’aurais eu plaisir à découvrir en version studio avec de jolis arrangements. Le final Lifetime Achievement Award Speech m’a aussi laissé un peu sur ma faim même si le morceau fait très bien son rôle de générique. Sur ma faim pour ses accords plus standard quand le morceau s’emballe un peu. Alors oui, les arrangements ne le rendent pas ennuyeux, mais la progression d’accords (pour les connaisseurs I-VI-II-V, à savoir C/Am/Dm/G7 ici) assez standard, couplée à une production plus artisanale (semblant laisser place à des synthés au lieu des cordes tellement savamment mises en musique sur l’ensemble de l’album) donne le sentiment du morceau de trop.

Un sentiment tout à fait subjectif largement excusé par la teneur d’un album d’une très haute inventivité. Olivier Rocabois fourmille d’idées mélodiques, harmoniques, s’en donne à chœur joie dans un gueuleton pop finalement aussi rassasiant que son premier opus. Et nul doute que si « Paul McCartney » était inscrit sur la pochette, il ferait l’unanimité de la presse spécialisée qui crierait au génie. Cette fois notre génie de pop 60’s, baroque, psyché, – appelez-la comme vous voulez-, est bel et bien français. Bravo pour ce travail titanesque et le plaisir que nous avons à l’écouter !