Auparavant au sein de la confidentielle formation pop All If, le Français Olivier Rocabois tente l’échappée belle en solitaire sur un album majestueux de pop harmonique défiant sans vergogne les meilleurs songwriters de notre époque. Une œuvre complète et complexe.
Olivier Rocabois Goes Too Far | Album | (Acoustic Kitty / Kuroneko / Differ-Ant) – Sortie le 2 avril 2021
Contenus de la page
Paul McCartney, Brian Wilson, Ray Davies et les Lemon Twigs
L’histoire débute après le projet All If et l’album Absolute Poetry en 2017 qui révélait déjà en chanson un goût pour la pop baroque assez bluffant et un sens des mélodies terriblement aiguisé.
A la suite de cette créature pop, Olivier, breton émigré à Paris, se lance en solo sous son propre nom, d’abord par un double single très réussi : Ship of Women / Somewhere in A Nightmare qui convoque même les fantômes de Bowie. (Single à retrouver dans la playlist de juin 2019)
Pour donner suite à ce nouveau projet, Olivier lance une campagne sur Ulule et c’est ainsi qu’il finance cet album solo. Baptisé simplement « Olivier Rocabois Goes Too Far« , l’album verra sa sortie retardée. On a désormais l’habitude en ces temps où l’on ne voit pas l’ombre d’un concert ni aucun spectacles… Pendant ce temps, faute de vrai live, son créateur poste des vidéos sur Facebook et Youtube. Oldies assurés avec les Beatles, Kinks, Beach Boys, Zombies, Bowie, Flaming Lips, Suede…
Et si Olivier était au songwriting pop british ce que les Lemon Twigs sont au glam américain ? Je m’explique : il y a chez lui un sens indéniable de la mélodie qui emprunte habilement à ce que les plus grands songwriters pop nous ont offert. Je pense à Paul McCartney, évidemment, à Brian Wilson (la fin de High As High), à Ray Davies. Cet ADN est omniprésent et il a bien compris comment l’exploiter sans plagier. Ça semble plutôt naturel chez lui et c’est sans doute ce qui force le respect sur ce disque (en plus de son accent british si maîtrisé et de ses performances vocales). Pour l’emballage cadeau et les finitions, c’est du côté de Divine Comedy qu’on lorgne inévitablement avec les arrangements.
Olivier Rocabois, petits arrangements entre amis
Alors oui, le titre de l’album l’évoque, il va parfois trop loin. On peut en effet ne pas apprécier les arrangements de cordes, comme sur Hometown Boys qui pourrait gagner à être un peu plus épurée.
Ou d’autres morceaux qui peuvent peut-être en abuser (My Wounds Started Healing). C’est évidemment très subjectif. D’où le parallèle avec les Lemon Twigs qui ont eux aussi digéré les recettes pop de leurs ancêtres pour les resservir à la sauce, parfois dégoulinante, d’une glam-pop-baroque produite à l’extrême.
Mais pour Olivier Rocabois, voyons plutôt le verre à moitié plein : nous avons là un artiste complet qui a poussé son talent artistique à son zénith, qui a travaillé une expérience globale de la pop, la retranchant ainsi dans ce qu’elle peut avoir de plus majestueux. Les clavecins sont finement ciselés, les jeux de cordes enveloppent les mélodies, le piano – omniprésent – fait plus qu’assurer les bases, agrémentant les morceaux d’enluminures baroques. Le tout étant régulièrement ponctué de cuivres aux arrangements soignés. Le travail d’orfèvre est indéniable et Olivier a su aussi s’entourer de musiciens de talent qui contribuent grandement à l’exécution de ces arrangements savamment orchestrés. L’art de la chanson pop sortie tout droit du meilleur répertoire.
Fender Rhodes et son des vagues
On passe par différentes ambiances au sein du disque qui a le bon goût de na pas surcharger systématiquement les compositions. L’inaugural The Sound of the Waves est justement un exemple de morceau plus épuré que peut livrer Olivier Rocabois. Un très juste équilibre entre une guitare acoustique, une voix travaillée, une batterie parfaitement ajustée et la magie du Fender Rhodes. De toute façon, rendons-nous à l’évidence : un album avec du Fender Rhodes peut-il être foncièrement mauvais ?
Shakespeare et cottage anglais
L’album prouve l’étendue musicale d’Olivier Rocabois dans le registre de la pop 60’s, passant aisément d’une balade évidente (High As High) à des morceaux complexes. C’est le cas avec In My Drunken Dreamspace qui met aussi le Fender Rhodes à l’honneur, conférant une chaleur si caractéristique de cet instrument magique, qui peut aussi être mis à mal par des ambiances plus sombres et délirantes, comme au milieu de ce même morceau où l’on semble transporté au temps de Shakespeare. On s’imagine en pleine tempête dans un sombre château au milieu d’un cottage anglais, empoisonné, et dont l’antidote serait représentée par cet album. Ou en pleine comédie musicale anglaise sur I’d Like to Make my Exit With Panache. Les ambiances américaines de Mary Popins ou My Fair Lady sont pas si loin non plus.
Inspirations merveilleusement orchestrées
Vous l’aurez compris, cet album est aussi riche qu’évident. Les inspirations sont merveilleusement orchestrées, conviant nos idoles des années 60 à ce festin harmonique. Arise Sir Richard, par exemple, c’est un peu comme si les Kinks reprenaient Hey Bulldog des Beatles.
Les compositions regorgent justement d‘idées harmoniques, de trouvailles musicales au service des mélodies. Alors certes, comment ne pas penser aux premiers Divine Comedy sur You Let Me Laugh Like A Drunken Witch ? Avec le rythme et le piano, la façon de chanter, nous revoilà en pleine cavalcade pop avec le Neil Hannon des années 90. Si cette analogie, aussi évidente soit-elle, est plutôt flatteuse, elle n’en est pas moins réductrice tant le morceau évolue, tant dans la structure que dans l’harmonie.
Olivier Rocabois : festin harmonique pour une œuvre majeure
En attendant des versions live, on ne peut donc que remercier Olivier d’être allé trop loin, d’avoir puisé au plus profond de son inspiration et d’avoir su retranscrire cette imagination débordante à travers une œuvre très complète, aboutie avec grandeur et décadence pour donner vie à un album qui tutoie les sommets. Il serait indéniablement reconnu comme une œuvre majeure s’il était écrit Paul McCartney sur la belle pochette, signée du non moins majeur graphiste Pascal Blua (aux commandes de la très recommandable maison de musique December Square).
Quelle bière boire en écoutant Olivier Rocabois Goes Too Far ?
J’ai choisi la Amour Public n°1 de la brasserie lorraine Piggy Brewing pour plusieurs raisons. Déjà parce que c’est clairement le genre de bière que j’ai envie de boire en écoutant ce type de musique. Elle a ce côté rentre dedans avec la dose de houblon très aromatique, donc beaucoup de nez. Un peu comme l’album : on voit vite à qui on a affaire. Et ce qui m’a plus dans cette bière, c’est le côté surenchère : le côté liquoreux lui confère une touche un poil excessive qui me fait tomber dedans complètement. C’est assumé, revendiqué… et tellement bon ! Exactement comme l’album ! Et si c’est album pouvait devenir l’amour public numéro 1, je vous le dis, la France irait mieux !
Merci Jérémy !
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