Oasis – Réédition de Be Here Now – Retour sur l’album de la démesure

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oasis-be-here-now-cover21 Août 2017. A cette date nous célébrerons le vingtième anniversaire de la sortie de Be Here Now, le troisième album d’Oasis. La maison de disques du défunt groupe n’attendra pas cette date pour sortir une riche réédition de cet opus comme elle l’avait fait pour les deux albums précédents Definitely Maybe et (What’s The Story) Morning Glory. C’est en effet en ce début octobre que sortira la version Deluxe accompagnée de 2 CD bonus de Be Here Now. Une occasion pour Merseyside de revenir sur la genèse, le contenu et le ressenti de cet album mythique des frères Gallagher.

Le délicat troisième album

1996, la Grande Bretagne, l’Europe et le monde sont submergés par une vague (presque) sans précédent dans l’histoire de la musique : la Britpop, dont Oasis est le chef de file avec ses deux premiers excellents disques. Le point culminant de ce mouvement, deux concerts géants du groupe sur l’immense site de Knebworth en Angleterre d’une capacité de 120 000 personnes par soir. C’est le nouvel eldorado du groupe. Il s’agit là du sommet de la Britpop, du somment d’Oasis et ses fans mais aussi du début de leur déclin. Le groupe des frères Gallagher vient de terminer une tournée qui était le couronnement de leur jeune mais déjà passionnante carrière. Leurs deux premiers albums avaient été des succès commerciaux et, qu’on le veuille ou non, des incontournables de l’histoire du rock.

Pour Noel Gallagher, tête pensante du groupe, il faut battre le fer pendant qu’il est encore chaud et sortir sans trop attendre un troisième album qui viendra confirmer le succès du groupe et enfoncer le clou. Problème :
Noel Gallagher pourtant compositeur très prolifique n’a pas écrit une seule ligne (il en a plutôt sniffée) ni aucune note de musique depuis la sortie de Morning Glory et le syndrome de la page blanche se fait sentir. Il est temps qu’il se remette sur les rails. La tournée promotionnelle étant terminée, il s’octroie des vacances aux îles Moustique dans la villa de Mick Jagger en compagnie de son ami Johnny Depp et sa compagne d’alors, Kate Moss. C’est là, au calme, que Noel composera la majeure partie de ce qui sera le nouvel album d’Oasis. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on trouve Johnny Depp sur le solo de guitare de Fade In-Out. Noel déclara d’ailleurs : « Un soir, on était bourré et je lui ai emprunté sa guitare slide. J’ai essayé de jouer ce solo, mais c’était horrible. Alors il s’est assis et l’a joué en une prise. En fait, c’est vraiment un bon guitariste« .

Enregistrement chaotique et montagne de cocaïne

Octobre 96, le groupe entre au mythique Abbey Road studios de Londres. Selon Owen Morris, producteur historique du groupe, les séances n’avancent pas faute à divers problèmes : égos, paranoïa, surmédiatisation, trop franche assurance… Il faudra attendre un mois et un changement de studio au Ridge Farm, loin des tumultes citadins, pour que le groupe accouche de sessions et idées concluantes. Bien sûr, la prise massive de cocaïne aide à la création et à la performance. Noel Gallagher n’a qu’un seul plan pour l’album : il doit être dense et colossal, selon ses propres mots. Et ce sera le cas, à tout point de vue. Trop même. Alan Mc Gee, patron de la maison de disque d’Oasis d’alors, Creation, affirmera dans une interview : « Je me suis rendu au studio pour voir l’avancée du travail. Je n’ai jamais vu autant de cocaïne de ma vie, le producteur devenait fou à vouloir canaliser le groupe, et Oasis jouerait extrêmement fort » (1). Quant à Noel Gallagher, il déclara « ça sonne comme un groupe de mec cocaïnés, dans un studio et qui n’en ont rien à foutre » (2). Tout un programme… Quelques semaines et changements de studios plus tard pour les overdubs, l’album est enfin prêt mais il faut laisser un peu monter la pression pour susciter l’attente et l’impatience.

Be Here Now, troisième très attendu album d’Oasis, sort le 21 Août 1997. Votre serviteur Jérémie se rappelle l’avoir acheté le jour de sa sortie en même temps que le premier album des Stereophonics, Word Gets Around. François, auteur de cet article,  l’a acheté avant son entrée au lycée avant le premier concert de sa vie : Oasis et Ocean Colour Scene en première partie au Zénith de Lille en 97 pour la seule date française de la tournée Be Here Now. Les premières fois, ça marque ! Parmi les fans, Pete Doherty qui se souvient quand il est passé à la caisse pour les frères Gallagher :

Dès sa sortie, l’album bat déjà tous les records de vente : au Royaume Uni, 420 000 disques sont vendus le jour même de sa sortie. Record inégalé depuis. Les critiques de la presse musicale internationale sont assez bonnes mais deux reproches reviennent souvent : l’album est trop long, le son trop compact ce qui rend son écoute dans son intégralité assez indigeste. Ce qui devait faire l’atout majeur de Be Here Now, en deviendra en réalité sa faiblesse.

Un album démesuré

L’album s’ouvre sur ce qui deviendra le premier single promotionnel D’You Know What I Mean, de près de 8 minutes. Déjà un record pour Oasis. Il se classera (évidemment) numéro un des Charts en Grande Bretagne. Avec ce morceau, le ton est donné sur ce que sera Be Here Now : un son titanesque, une production immédiatement reconnaissable, des mélodies entêtantes, de grosses guitares, et la durée des titres ce qui est sensé être un nouvel élan pour le groupe. Puis vient My Big Mouth, pas vraiment une exclusivité puisque joué pour la première fois le 3 Août 1996 au Balloch Country Park sur les bords du Loch Lomond en Ecosse dans le cadre de la tournée Morning Glory. Les paroles rudimentaires témoignent de la grande gueule des Gallagher (« In my big mouth, you could fly a plane« ). L’album se poursuit avec Magic Pie, seul titre de Be Here Now à être chanté par Noel Gallagher en mode solo, et là encore la chanson dépasse les 7 minutes. Stand By Me, deuxième single de l’album prend le relais, en guise d’hommage à la musique de John Lennon ? En tous cas, si le single se veut un peu long et parfois pataud, on appréciera ensuite la prise faite au bord de la piscine. Cette version allégée de la chanson n’est d’ailleurs disponible que sur le second disque du vinyle 38″ anglais très rare Now That’s What I Call Music!. En tous cas, le groupe a bien choisi ses singles, entre gros son et refrains fédérateurs.

Pour une fois, Stand by Me ne sera pas numéro 1 en Angleterre, doublé par le Candle in the Wind d’Elton John en hommage à Diana décédée une semaine après la sortie de Be Here Now. S’enchaînent alors les gras I Hope I Think I Know, et The Girl In The Dirty Shirt puis Fade In-Out où l’ami Johnny Deep tient la guitare slide. Le déluge de décibels avec les grosses guitares laisse place à une ballade plus calme, Don’t Go Away, troisième single de l’album. Répit de courte durée car s’en suit le titre éponyme Be Here Now avec lequel Oasis ouvrait à l’époque ses concerts en sortant de la cabine téléphonique sur scène.

Le groupe termine en apothéose avec All Around The World de plus de neuf minutes, dernier single qui sera tiré de l‘album (et pour l‘anecdote l‘un des premiers morceaux écrit par Noel pour Oasis, bien avant Whatever par exemple), It’s Getting Better (Man!!) (là encore, déjà joué lors du concert du Loch Lomond) et enfin, le reprise de All Around The World et son outro entêtante façon Hey Jude avant de se terminer par une porte qui claque. Durée totale de l’album : 71 minutes et 33 secondes, soit une moyenne de 6 minutes par chanson…

La pochette de Be Here Now sera à l’image de l’album : démesurée. On y voit le groupe poser autour de la piscine de la Stocks House dans le Hertfordshire (au Nord de Londres), manoir du 18ème siècle. Dans cette piscine, et pour l’occasion, le groupe a pour idée d’y plonger une Rolls Royce sur une proposition de Paul Arthurs (dit Bonehead), guitariste rythmique du groupe. Ce sera un clin d’œil à Keith Moon, légendaire et infernal batteur des Who ayant fréquenté les lieux. Autour de cette piscine, beaucoup de symboles de la Britpop : parka, lunettes noires, scooter Vespa, le globe terrestre de Definitely Maybe. Mythique, mystique! (je n’ai pas les droits pour diffuser les photos du shooting pour la pochette, vous pouvez les consulter sur ce lien)
L’arrogance du groupe et la démesure d’alors se ressentent également dans l’artwork de Be Here Now. Deux exemples concret : la partie centrale du livret constituée d’un patchwork de photo du groupe laisse apparaître l’inscription suivante : The Beatles are quite good but Oasis is much better. signe du nouvel égo affiché. De plus, à la fin des traditionnels remerciements, figure la phrase : « If we’ve forgotten anyone then you’re not important enough!! ». Tellement arrogant, tellement Gallagher!

Un rendez-vous manqué pour le chef d’oeuvre

oasis-stop-the-clocksBe Here Now va se classer numéro 1 dans 14 pays, Oasis remportera de nombreuses récompenses et en 2015, on estime que cet album s‘est vendu à près de 10 millions d‘exemplaires dans le monde. La tournée qui suivra sera elle aussi un très grand succès. La France ne sera gratifiée que d’un seul concert forcement événement à Lille (le reste des dates françaises ayant été annulées suite à une grève des routiers). Mais malgré ce succès commercial et critique de l’époque, cet album reste encore un sujet de longs débats. Noel Gallagher a déclaré a posteriori qu’il n’aimait pas cet album, et c‘est un euphémisme (« Fucking shit« ). D’ailleurs, aucun morceau de Be Here Now n’a été retenu pour figurer sur la compilation Stop de Clocks, sorte de Best Of du groupe sorti en 2006.
Owen Morris quant à lui pense que le groupe a voulu aller trop vite et aurait dû attendre une baisse de la pression médiatique pour enregistrer l’album. Ce que l’on peut réellement reprocher à l’album sont sa longueur et un mauvais choix dans la tracklist. Des titres de plus de 6 minutes comme D’You Know What I Mean, Magic Pie, All Around The World et It’s Getting Better (Man!!) auraient largement pu être raccourcis. Des titres plus faibles comme My Big Mouth ou The Girl In The Dirty Shrit auraient pu être relégués au profit de fabuleuses Faces B comme Stay Young ou (I Got) The Fever. Enfin, la reprise de All Around The World qui clôture l’album aurait du purement et simplement être supprimée puisque totalement inutile.

Quant à la production et aux compositions, il n’y a rien à redire. Ou presque, juste un peu plus de « légèreté » dans les arrangements et un meilleur mix. Mais toutes ces imperfections sont le symbole de toute une époque, de toute la démesure d‘Oasis. Après Be Here Now, le groupe entamera un long et lent déclin qui se traduira pas un manque d’inspiration et le départ de membres fondateurs et se conclura par la séparation (provisoire?) du groupe en 2009. Finalement, Be Here Now représente tout ce qu’un groupe au top de sa popularité ne doit pas faire… A voir si Noel en tire les conséquences sur son album solo.

Oasis Be Here Now : Une réédition tant attendue

Bien que boudé par le groupe, une nouvelle édition de Be Here Now sortira donc le 7 Octobre prochain. Une occasion pour le public de redécouvrir cet album classique des années 90. Au programme de cette version Deluxe : 2 CD bonus ou seront compilés Faces B, versions démos, live, inédits et remix. Le remaster de D’you Know What I Mean qui y figurera nous donne une idée de ce qu’aurait pu être Be Here Now avec une production plus soignée, moins lourde et de meilleurs choix stratégiques quant aux titres présents sur ce troisième opus.

L’illustration parfaite que cet album aurait pu être un chef d’œuvre absolu du même niveau que Definitely Maybe et Morning Glory et ainsi clôturer parfaitement une trilogie incontournable de l‘histoire du rock qui se règle désormais à coups de tweet et album solo. (Liam Gallagher d’un côté et Noel et ses High Flying Birds de l’autre)

Bonne écoute, salut à tous les amis nostalgiques (qui voulez peut-être reformer Oasis) !

Cet article a été rédigé par François, contributeur « encyclopédique » de Merseyside. J’y ai juste ajouté quelques anecdotes par-ci par là. Un grand merci à lui pour ce travail titanesque !

(1)John Harris, « The Last Party: Britpop, Blair and the Demise of English Rock » paru en 2004.
(2) http://www.nme.com/news/noel-gallagher/66084

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