Rencontre avec Fools Ferguson, jeune groupe originaire de Boulogne sur Mer et très influencé par les Smiths, The Cure, le shoegaze ou encore la fameuse cassette C86. Un melting pop qui ne peut que nous plaire ici. Rencontre avec David, la tête pensante et exigeante qui raconte la genèse de leur premier album. Histoire de ne pas oublier l’immense travail qui se cache derrière un « petit » groupe.
Cette interview permettra (j’espère) à beaucoup de relativiser en écoutant un morceau. A l’heure de la consommation-minute et de la recherche du buzz et de la notoriété, un groupe comme Fools Ferguson nous ramène sur le quotidien d’un groupe passionné, avec une idée précise en tête pour réaliser un album. Histoire de prouver qu’avant de juger hâtivement, il est important de comprendre le contexte et l’ampleur du travail réalisé. A bon entendeur…
Contenus de la page
« Plus tu te plantes, plus tu as de chances de réussir »
Voilà un près de 2 ans qu’on a découvert Fools Ferguson, après un premier EP (écoute ci-dessous). Où en êtes-vous pour l’album ?
Il nous a fallu un peu plus de 18 mois pour concevoir l’album. Le top départ a été donné juste après notre concert à la Malterie, à Lille, en mai 2015. Ce concert avait été l’occasion de tester une formule instrumentale dans laquelle les sons synthétiques aurait une place déterminante. Avec notamment l’ajout d’un clavier sur l’ensemble du set, ce qui était totalement nouveau à l’époque mais germait dans ma tête depuis les débuts du groupe.
Extrait du premier EP :
Et du deuxième :
C’est suite à ce concert que vous avez commencé à composer ?
Oui, nous avions déjà les chansons avant de commencer l’enregistrement des batteries durant l’été 2015. Nous avons dans un premier temps organisé une session d’enregistrement en août de cette année-là. Mais le son n’était pas à notre goût. En octobre 2015, nous avons décidé donc de refaire toutes les batteries dans le studio de Hugo Cechosz, qui avait réalisé notre premier EP, en banlieue parisienne.
Ca a dû vous prendre du temps, non ?
Du temps et de l’énergie oui. Surtout quand cela s’ajoute à la réalisation de cinq pré-maquettes différentes par titre dans plusieurs tonalités ou tempos. Ensuite il y a les maquettes et cela change encore. Ensuite il y a les maquettes de pré-production et cela change encore. Finalement, il y a les pré-mixes et encore après les mixes. A chaque étape, il y a du changement. Mais on n’a rien sans rien. Vraiment, ça c’est un point crucial. J’aimais l’idée de me perdre dans le travail. Et puis tu ne peux pas dire : « OK, je vais écrire et produire de manière expérimentale » et te contenter de quelques brèves expérimentations… C’est comme à peu près tout ce que l’on fait dans la vie : plus tu te plantes, plus tu as de chances de réussir. C’est en tout cas ma façon de fonctionner : je me méfie au plus haut point de l’enthousiasme des premiers jets. J’envie réellement celles et ceux qui sont d’une nature plus spontanée. Bref, il a fallu ensuite huit mois pour enregistrer les guitares, les basses, les synthétiseurs, les parties de chant etc, avec nos propres moyens. Le mix a commencé en mai 2016. Une dizaine de personnes (dont Mark Gardener, de Ride) on été testées, afin de savoir si nous pouvions éventuellement confier le mix à une personne extérieure.
L’obsession du son, une démarche très personnelle
Mark Gardener de Ride ? La classe !
Carrément. Je n’ai pas approfondi la relation avec lui mais il m’a semblé être quelqu’un de particulièrement réglo, alors qu’il pourrait largement se la raconter, répondre aux mails avec plusieurs semaines de retard, et profiter de sa situation, comme beaucoup de petits bras dans ce milieu. Reste qu’on s’est rendu compte que personne d’autre que nous (malgré nos compétences techniques et matérielles limitées, comparées à celles des personnes à qui nous avions confié le mix), n’était en mesure de retranscrire le son que nous avions en tête. Il s’en est donc suivi une période éprouvante de mixage qui a duré plusieurs mois et lors de laquelle il a fallu mettre les mains dans le cambouis. Pour la petite histoire, le mixage a été terminé en mobile-home, l’avant-veille du départ pour le mastering, lors de mes vacances en famille. J’ai complètement squatté le mobile-home avec mon matériel (enceintes de studio, ordis, etc.).
Ah ah, donc finalement vous êtes aventuriers pour faire ça tout seul !
En quelque sorte… car fin août 2016, nous avons opté pour une solution plutôt marginale dans le monde de l’audio professionnel, à savoir un mastering par groupes d’une vingtaine d’instruments. On appelle cela le mastering par stems. Je ne dis pas que le mastering par stems n’est pas une pratique répandue, ce serait même plutôt le contraire. Mais, d’habitude, le nombre de stems n’excède pas sept ou huit. Partir sur une vingtaine de groupes d’instruments était extrêmement risqué dans la mesure où procéder de la sorte aboutit souvent à un « mix bis ». C’était justement tout ce que nous ne souhaitions pas.
Au final, comment s’est passé le mastering ?
Tout s’est déroulé au studio Le Hangar A Sons, près de Cambrai, par le propriétaire des lieux, Bertrand Charlet. Cela a duré une semaine, et ce fut, de mon point de vue, un combat de chaque instant, y compris parfois dans mon propre camp, afin de garder la primauté de l’artistique sur la technique. Mes mixes étaient truffés de bizarreries et d’erreurs techniques, du fait d’une approche expérimentale de l’enregistrement, voire novice, par manque de temps et de moyens. Mais c’est aussi sa force : dès le départ, mon postulat, pour cet album, a été de privilégier les accidents et autres fruits du hasard à une approche plus cartésienne et connue de notre part. Une approche plus paresseuse et roublarde en quelque sorte. Finalement, je suis sorti du Hangar A Sons littéralement rincé. Mais cela en valait vraiment la peine.
Tyran obsessionnel
Donc grâce à ton côté tyran obsessionnel, vous avez quand même accouché d’un album qui est quasiment prêt ?
Cela va faire 25 ans que j’écris des chansons, que j’en enregistre, mais c’est le seul disque en un quart de siècle de pratique dont je suis vraiment fier dans son intégralité. J’ai mis tant de temps à trouver ce son que l’album a beau être prêt à sortir depuis octobre, je ne tiens pas à le sortir dans une sorte d’indifférence générale. Alors, on prend beaucoup de temps pour les à-côtés. La promo, notamment, est effroyablement chronophage. Là, nous sommes en train de finaliser la pochette, la réalisation de clips, et surtout la mise en place du live. On s’y attèle depuis début octobre. Ce n’est pas une mince affaire : il faut recréer sur scène l’univers de l’album, qui sort juste de mon cerveau. Je veux dire par là que la quasi totalité des titres n’ont jamais été joués en répète par le groupe. En vrai quoi.
Du coup, nous avons également dû mettre les mains dans le cambouis en créant notre propre système de diffusion sonore, basé sur les performances jumelées d’ordinateurs et d’interfaces audio. C’est un autre challenge, comme l’album, mais centré sur la technique cette fois. Là aussi, nous avons vite constaté que personne n’y consacrerait autant d’énergie que nous. À moins d’avoir à disposition une équipe de plusieurs techniciens, travaillant sur le live non-stop pendant trois mois. Ceci ne rentrait pas dans le budget. L’album va donc sortir en janvier. Je n’ai pas de date précise à révéler. Mais ce sera en janvier, c’est certain. Toute cette affaire n’a que trop tardé.
Par rapport à cette évolution sonore, le line-up a évolué lui-aussi ?
Nous sommes désormais cinq sur scène. Le nouveau-venu est Christophe Gratien, actuellement aux synthés, qui est originellement batteur de jazz, même s’il a tourné pour Eiffel, Garage Rigaud… C’est un grand fan de Magma et de rock progressif de la fin des années 70 / début des années 80.
Quelle est votre actualité avant cette sortie ?
Nous venons de finir un clip financé par l’Aéronef et réalisé par l’équipe d’Attic Addict. On a investi pendant une journée un château près de Soissons et enregistré un titre inédit, que nous jouons tout de même en concert, dans une esthétique qui rappelle à la fois, par le jeu d’ombres et de lumières, les films noirs des années 40 et les clips de groupes new wave. Je pense notamment à Cure période post-trilogie et pré-Friday I’m In Love. Le clip sera présenté au public à la fin du mois de janvier 2017 lors d’une soirée spéciale à l’Aéronef. Et d’ici là, on fait un concert au Biplan le 16 décembre, on est impatient !
2×2 places à gagner
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Pas de critique de ce fameux LP ?
Elle arrivera un jour où personne ne l’attendra 😉