Le groupe londonien Ulrika Spacek était de passage à Tourcoing pour les 20 ans du Grand Mix. L’occasion de discuter avec Rhys Edwards, chanteur et guitariste du groupe juste avant leur concert, installés tranquillement dans le « jardin » du Grand Mix autour d’une bière.
Contenus de la page
De OK Computer à Berlin
J’ai lu que OK Computer avait été une grosse influence pour vous, pourtant je trouve que votre son en est loin…
Oui, en fait, j’avais 9 ans quand ce disque est sorti donc je dois dire que je ne me souviens pas quand il est sorti. Radiohead, et cet album en particulier, ont changé notre rapport à la musique. Je sais que certains trouvent qu’on sonne comme Radiohead…. Mais c’est vers 12 ans que je suis vraiment plus rentré dans la musique et Radiohead nous a ouvert la voie pour écouter pas mal de choses. C’est vraiment un groupe important pour nous. OK Computer est vraiment un album génial.
C’est marrant parce que pour autant, je ne trouve pas du tout que Ulrika Spacek sonne comme Radiohead. Je vois plutôt des influences de Deerhunter, Sonic Youth… et c’est vrai qu’à l’écoute du premier album, je n’arrivais pas trop à savoir d’où vous veniez.
Oui je suis complètement d’accord et je pense que les musiciens anglais écoutent énormément de groupes américains. J’ai l’impression qu’il y a une mauvaise culture musicale en Angleterre, ça devait être au milieu des années 2000, il y avait pas mal d’argent dans le milieu musical et chacun pensait à signer un gros contrat et se faire de la thune pendant que tous ces groupes américains faisaient vraiment ça par eux-mêmes, donc ça a aussi fait un peu changer les mentalités. Tu sais, j’ai habité à Berlin pendant un moment et c’est dur de ne pas être influencé par l’univers de cette ville. J’allais dans plein de clubs techno. Je n’ai pas écouté beaucoup de groupes à guitares et c’est vrai que quand on a fait l’album, on a fait de la musique à guitares de façon différente que ce qu’on aurait fait sans cette expérience.
En effet, c’est ce que j’ai lu dans d’autres interviews et je ne voulais pas te poser les mêmes questions auxquelles tu réponds tout le temps parce que ça doit pas être toujours marrant.
T’inquiète, là c’est déjà différent ! Tu sais, parfois on répond à des questions, les gens ne savent même pas qui tu es donc tu dois déjà quasiment te présenter. Ca c’est vraiment chiant et il faudrait qu’ils s’intéressent déjà à ta musique.
On n’est pas là pour se vendre
T’as vécu ça dans des pays où vous êtes moins connus ?
Ca dépend, parfois c’est aussi par mail. Souvent même. Et la première question c’est « Quel est le nom du groupe ? ». « Fuck this », on n’est pas là pour se vendre. On fait de la musique et on est là pour en parler.
Et vous lisez les critiques vous concernant ?
Ouais, on n’en cherche pas en permanence, mais tu sais comment est la vie aujourd’hui… tu reçois une notif sur ton smartphone, tu lis la chronique. Mais on ne les lit qu’une fois, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Je n’ai aucun problème avec celles qui ont un regard critique et d’ailleurs on a plutôt de la chance car les critiques sont très positives.
C’est vrai que je n’en ai pas lu de mauvaises…
Si, il y en a certaines qui pinaillent sur des trucs comme « le chant n’est pas assez bon » ou ce genre de choses. Ok, pourquoi pas. En général je passe à la suivante.
Ca vous a surpris justement cet accueil super positif ?
En fait, quand on a écrit The Album Paranoia, la face A devait être un EP. On l’a écrite et on s’est dit « tiens, faudrait qu’on fasse un deuxième EP ». On a écrit la face B, et une nuit on s’est dit : « Mais en fait, c’est un album avec 2 faces ! ». Donc tout à coup on s’est retrouvé avec un album entier. The Album Paranoia devait être le titre de l’EP et c’est finalement devenu un album. Le jour où l’album est sorti, on n’était pas connu, on a fait notre première tournée, on s’est retrouvé en première partie de DIIV alors qu’on n’avait jamais tourné. Tout ça s’est fait naturellement, il n’y a pas de pub ou d’argent injecté dans une campagne pour se faire connaître. Tout ça est super cool, c’est comme ça qu’on aime faire de la musique. On rencontre des gens qui nous présentent à d’autres gens, tout se fait comme ça. C’est vraiment top.
Il faut qu’on prenne du plaisir à jouer tous les soirs
Comment avez-vous prévu les morceaux de ce soir ?
On n’est pas du genre à jouer les mêmes morceaux tous les soirs dans le même ordre. On a fait un nouveau set hier en Allemagne, à Fribourg, et celui de ce soir est basé sur celui d’hier, avec des variantes. Il faut qu’on prenne du plaisir à jouer tous les soirs.
Comment vous décidez-vous des chansons à jouer en live ?
Ca génère plein de discussions ! Mais au final on réfléchit aussi à la cohérence entre les morceaux, comment passer de l’un à l’autre. C’est pour ça que jouer en live est super important, car on trouve des enchaînements auxquels on n’avait pas pensé. Il y a toujours des chansons qu’on voudrait jouer mais qu’on ne peut pas, surtout depuis qu’on a deux albums.
Quid d’une tournée aux Etats-Unis ?
En fait le problème aux Etats-Unis, c’est que les gens des magasins de disques ou d’autres groupes nous connaissent, mais on n’a pas de label. Donc on ne peut pas se permettre de jouer dans des endroits vides. On n’a pas les moyens pour ça. Donc oui c’est un objectif, ça nous plairait vraiment. On verra. Si on dure assez longtemps, notre public continuera de nous écouter. Mais on est très contents en Europe.
Je trouve que vous iriez super bien avec Thurston Moore. Il est passé à Lille il y a 2 mois justement.
Figure-toi qu’on nous a proposé de faire cette tournée, mais on nous a conseillé de ne pas le faire car on avait notre propre tournée prévue ensuite. Donc c’était aussi important qu’on vende des tickets pour nous. Mais j’adorerais jouer pour lui. Son ingénieur du son est un ami à nous.
Tu connais un peu les groupes qui sont là ce soir ?
Oui, je connais The KVB avec qui on a joué au Levitation. Et aussi BRNS, on a joué un super concert avec eux en Belgique l’année dernière. On s’est retrouvé à faire un bœuf avec eux pendant une heure, c’était super cool.
Tu as des bons ou mauvais souvenirs de tournée justement ?
Oui… je crois que notre première tournée était à chier. Mais on a découvert plein de choses. Là avec cet album c’est différent. On a joué à la Route du Rock l’année dernière, c’était super, on était les derniers à partir. Mais ça dépend des festivals. Cette année à Rock en Seine, on avait une heure pour jouer. On a bu quelques bières et ensuite on est parti. Donc les choses changent naturellement. Maintenant, on aime aussi les tournées pour écrire. Pas que pour boire des coups.
Oui, plein de groupes trouvent qu’ils sont productifs en tournée.
Oui je vois ce que tu veux dire, mais pour nous c’est encore un peu différent. La tournée et le processus d’enregistrement sont vraiment deux éléments bien distincts. Même si aujourd’hui tu prends ton PC et tu peux enregistrer des trucs. Mais on ne fonctionne pas comme ça. Notre truc, c’était plutôt de passer 15 heures par jour dans notre salon !
Ah oui dans votre fameuse maison… [Le groupe habite dans une grande maison victorienne à Londres, c’est vraiment leur espace de création]
On espère qu’elle sera toujours là à notre retour ! On a mis nos piaules en location quand on est parti. On n’a pas de contrat, rien, alors on espère qu’il n’y aura pas de mauvaise surprise. Si on nous demande de partir, il faudra partir… C’est vraiment une situation très précaire. Mais bon, même si c’est le cas, on ira ailleurs. Après tout, le son de nos deux premiers albums en est bien imprégné. Là on va plutôt travailler en studio. Mais comme ça coûte cher, on, ne va pas y passer trois mois. On va voir, mais ce serait différent. Les deux premiers albums sont un peu comme des frères et sœur. Le suivant sera différent mais on n’est pas pressé de faire un troisième album.
La France a bien compris notre musique
Dernière question : quel est ton sentiment par rapport à la France, la musique, les groupes français ?
On a partagé une date avec Halo Maud, je ne sais pas si tu connais. C’est la guitariste de Melody’s Echo Chamber.
Qui vient d’avoir un accident d’ailleurs, tu as des nouvelles ?
Apparemment elle va mieux. Un de mes potes joue de la basse avec elle, et elle se rétablit. Donc vraiment je recommande Halo Maud. On a un super bon rapport à la France qui a bien compris notre musique.
Ah ouais ? Tu veux dire en comparaison avec d’autres pays qui sont moins réceptifs à votre musique ?
Oui, et j’ai l’impression qu’il y a beaucoup plus d’intérêt pour les blogs et les sites web dont la plupart ont vraiment bien accueilli nos albums. On a joué de gros festivals en France, ce que l’on ne fait pas en Angleterre. En Angleterre c’est vraiment différent, il y a tellement de groupes, tellement de gros labels… J’ai l’impression que le marché de la musique est dans un bien meilleur état en France.
Merci à Marion de Differ-Ant qui a rendu cette interview possible.
Pour suivre les news de rock indé, suivez Merseyside sur les réseaux sociaux :
[…] autoproduction, il revient sur le label Tough Love (tiens tiens, label sur lequel est signé Ulrika Spacek) avec un EP très séduisant, abandonnant le côté DIY dans sa chambre pour passer en mode groupe […]