Depuis quelques jours, la Grande-Bretagne est secouée par une crise majeure alimentée à grands coups de polémiques, punchlines, tweets, débats passionnés. Brexit ? Liz Truss ? La guerre en Ukraine ? Le prix exorbitant de l’électricité ? Toujours pas. La raison de la colère : la récente tournée du « Godlike Genius », Ian Brown. So, What’s the story?
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Ian Brown en solo, vraiment solo
Début 2022, le légendaire frontman des non moins légendaires Stone Roses annonçait une tournée solo prévue pour cet automne. Rappelons que Ian n’avait pas tourné sans les Stone Roses depuis… 2011. Prix des places, entre 40 et 50 livres sterling selon les salles (50-60€). Automne 2022, nous y sommes donc… La tournée commence à la O2 Academy de Leeds fin septembre. À la sortie du concert, le scandale éclate déjà sur Twitter : Ian Brown s’est produit sur scène… sans groupe pour l’accompagner. Un concert de 23 titres, mais sans le moindre musicien. Juste Ian Brown et son micro avec une bande playback pour l’accompagner. Alors, sans surprise, les réseaux sociaux s’enflamment, vidéos à l’appui comme preuve du délit. Les dates suivantes font le même type de constat.
Certains spectateurs manifestent leur mécontentement. En vrac : « Comment peut-on se produire sur scène sans aucun groupe ? Où est le respect du public? 50 livres, le plus chère Karaoké du monde. » Au point parfois même de se faire bloquer par Ian Brown lui-même :
On s’empresse alors d’aller visionner ces (embarrassantes) vidéos. Effectivement, Ian Brown chante avec sa dégaine inimitable sur une bande qui n’est ni plus ni moins que les instrumentaux figurant sur ses albums et singles. On peut se rassurer en disant que ses chaînes en or ont de l’allure quand même… Même Merseyside relaie l’article du NME sur la pseudo polémique, ce qui fait réagir François – auteur occasionnel sur ces pages. Et c’est donc en qualité de rédacteur que je (François) viens donc rédiger l’article que vous êtes en train de lire pour appuyer mon propos.
Ce qui marque le plus dans toutes ces vidéos (et absolument toutes), c’est que le public est d’un rare enthousiasme, à la limite de l’hystérie. Syndrome Morrissey… Direction Facebook pour voir les commentaires suite aux concerts de Brown, et là, même constat : une ovation quasi-unanime à coup de « sensational », « amazing night », « great gig », « not disappointed », « You were phenomenal » et on pourrait continuer des heures…
Ian Brown en solo : de backing band à karaoké
Alors que penser? Arnaque ou génie? La question est très difficile mais essayons d’analyser la situation pour Ian Brown. A la séparation des Stone Roses, Brown s’oriente vers une carrière solo avec un (excellent) premier album, « Unfinished Monkey Business » (1998). Dès ce premier opus, on ressent le bidouillage en studio à base de samples, de claviers, d’une production complexe, bref, une musique difficile à reproduire sur scène. Extrait ici avec Can’t See Me, l’un des morceaux préférés de Jérémie de Merseyside.
Massive Attack, Portishead, Chemical Brothers, Unkle occupent alors le terrain et Brown s’en inspire. L’album sera réalisé par une équipe très réduite, Ian jouant de tous les instruments avec Aziz Ibrahim, guitariste qui marquera fortement de sa six cordes « Unfinished Monkey Business ». En 2022 aussi d’ailleurs.
La suite? Une confirmation et accentuation de ce que fut ce premier album. Ainsi, comment reproduire convenablement ces titres sur scène ? Par soucis « d’honnêteté », Brown tourne au cours des années 2000 avec un backing band. Aussi bon qu’il puisse être, la magie de l’album ne sera jamais égalée. Pour preuve, le passage de Ian Brown au Bataclan en 2008 n’a marqué les esprits que par la présence même du « Godlike Genius ».
Alors, quelle est la meilleure option ? Un vrai groupe sans magie ou un karaoké époustouflant ? Ce qui fait le « live », c’est la présence de vrais musiciens et c’est bien normal. Mais ici, que vient-on chercher en achetant 50 Livres un billet pour aller voir Ian Brown? La réponse est dans la question : nous ne voulons pas écouter Ian Brown mais VOIR Ian Brown. Il n’est pas vraiment question de musique ici. Et ce dernier l’a bien compris. Il est une légende, il le sait et ses fans aussi. Les commentaires sont sans équivoque. Mais on n’a pas d’équivalent en France, un artiste aussi adulé et respecté. Johnny ? Même pas sûr.
Ian Brown, idole sans polémique
Brown est à la fois Shaun Ryder et Bez est Happy Mondays : une voix bancale mais reconnaissable entre mille, et une allure, une dégaine. L’arrogance n’est tolérable que si elle est justifiée. Et c’est donc le cas… Non, les lads anglais n’ont pas besoin d’un groupe pour accompagner leur messie, n’en déplaise aux musiciens. Les lads, ne veulent que communier avec leur idole, comme une messe Rock n’Roll. «Nous avons Jésus, oublions les apôtres…». A sa défense, Brown a « l’honnêteté » de ne pas faire croire à du live. Reproche-t-on quoique ce soit à la nouvelle sensation Sleaford Mods? Les Chemical Brothers mixent-ils vraiment en live? Alan McGee est-il un vrai DJ? Roger Waters chante-t-il vraiment? Vous avez quatre heures…
Pour vous inspirer, voici aussi le cas de Billie Eilish, légende des temps modernes. Certes, elle a un batteur et son frère aux platines. Mais surtout, elle a cette capacité à électriser la foule seule !
La polémique Ian Brown a-t-elle lieu d’exister? Évidemment car dans cette affaire, personne n’a tort, tout le monde a raison et le débat, c’est la vie. Surtout quand il s’agit de musique. Cependant, les faits sont là, et la réponse est évidente. Les fans sont ravis, n’ont pas quitté la salle en huant leur idole.
Ian Brown est-il en faute? Bien sûr que non. Sa tournée s’est terminée avec brio le 7 Octobre à la Brixton Acadmy de Londres. Ce fut un phénoménal succès. Fin des débats. Les Dieux font ce qu’ils veulent, et ils ont toujours raison…